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vous ne sachiez bien ce que c’est. L’éclaircissement vous apprendra probablement qu’il n’y avoit pas beaucoup à craindre, & cette manière de traiter les plaisants doit naturellement les rebuter d’y revenir.

Quoique le toucher soit de tous nos sens celui dont nous avons le plus continuel exercice, ses jugements restent pourtant, comme je l’ai dit, imparfaits & grossiers plus que ceux d’aucun autre, parce que nous mêlons continuellement à son usage celui de la vue, & que, l’œil atteignant à l’objet plus tôt que la main, l’esprit juge presque toujours sans elle. En revanche, les jugements u tact sont les plus sûrs, précisément parce qu’ils sont les plus bornés ; car, ne s’étendant qu’aussi loin que nos mains peuvent atteindre, ils rectifient l’étourderie des autres sens, qui s’élancent au loin sur des objets qu’ils aperçoivent à peine, au lieu que tout ce qu’aperçoit le toucher, il l’aperçoit bien. Ajoutez que, joignant, quand il nous plaît, la force des muscles à l’action des nerfs, nous unissons, par une sensation simultanée, au jugement de la température, des grandeurs, des figures, le jugement du poids & de la solidité. Ainsi le toucher, étant de tous les sens celui qui nous instruit le mieux de l’impression que les corps étrangers peuvent faire sur le nôtre, est celui dont l’usage est le plus fréquent, & nous donne le plus immédiatement la connaissance nécessaire à notre conservation.

Comme le toucher exercé supplée à la vue, pourquoi ne pourroit-il pas aussi suppléer à l’ouÏe jusqu’à certain point puisque les sons excitent dans les corps sonores des ébranlements sensibles au tact ? En posant une main sur le corps