Chacun de nous est donc formé par trois sortes de Maîtres. Le Disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal élevé, & ne sera jamais d’accord avec lui-même : celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent aux mêmes fins, va seul à son but & vit conséquemment. Celui-là seul est bien élevé.
Or, de ces trois éducations différentes, celle de la nature ne dépend point de nous ; celle des choses n’en dépend qu’à certains égards. Celle des hommes est la seule dont nous soyons vraiment les maîtres ; encore ne le sommes-nous que par supposition : car qui est-ce qui peut espérer de diriger entierement les discours et les actions de tous ceux qui environnent un enfant ?
Sitôt donc que l’éducation est un art, il est presque impossible qu’elle réussisse, puisque le concours nécessaire à son succès ne dépend de personne. Tout ce qu’on peut faire à force de soins est d’approcher plus ou moins du but, mais il faut du bonheur pour l’atteindre.
Quel est ce but ? c’est celui même de la nature ; cela vient d’être prouvé. Puisque le concours des trois éducations est nécessaire à leur perfection, c’est sur celle à laquelle nous ne pouvons rien qu’il faut diriger les deux autres. Mais peut-être ce mot de nature a-t-il un sens trop vague : il faut tâcher ici de le fixer.
La nature, nous dit-on, n’est que l’habitude [1]. Que
- ↑ (*) M. Formey nous assure qu’on ne dit pas précisément cela. Cela me paroît pourtant très précisément dit dans ce vers auquel je me proposois de répondre.
La nature, crois-moi, n’est rien que l’habitude.