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pédant de Crousaz, si différens entre eux dans tout le reste, s’accordent tous en ce seul point d’exercer beaucoup les corps des enfans. C’est le plus judicieux de leurs préceptes ; c’est celui qui est & sera toujours le plus négligé. J’ai déjà suffisamment parlé de son importance ; & comme on ne peut là-dessus donner de meilleures raisons ni des regles plus sensées que celles qu’on trouve dans le livre de Locke, je me contenterai d’y renvoyer, après avoir pris la liberté d’ajouter quelques observations aux siennes.

Les membres d’un corps qui croît, doivent être tous au large dans leur vêtement ; rien ne doit gêner leur mouvement ni leur accroissement ; rien de trop juste, rien qui colle au corps, point de ligature. L’habillement françois, gênant & mal-sain pour les hommes, est pernicieux sur-tout aux enfans. Les humeurs, stagnantes, arrêtées dans leur circulation, croupissent dans un repos qu’augmente la vie inactive & sédentaire, se corrompent & causent le scorbut, maladie tous les jours plus commune parmi nous, & presque ignorée des Anciens, que leur maniere de se vêtir & de vivre en préservoit. L’habillement de Houssard, loin de remédier à cet inconvénient, l’augmente, & pour sauver aux enfans quelques ligatures, les presse par tout le corps. Ce qu’il y a de mieux à faire, est de les laisser en jacquette aussi longtems qu’il est possible, puis de leur donner un vêtement fort large, & de ne se point piquer de marquer leur taille, ce qui ne sert qu’à la déformer. Leurs défauts du corps & de l’esprit viennent presque tous de la même cause ; on les veut faire hommes avant le tems.