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néglige, les oublie, les dédaigne enfin, &, les regardant comme autant de vaines formules, se fait un jeu de les faire & de les violer. Voulez-vous donc qu’il soit fidèle à tenir sa parole, soyez discret à l’exiger.

Le détail dans lequel je viens d’entrer sur le mensonge peut à bien des égards s’appliquer à tous les autres qu’on ne prescrit aux enfans qu’en les leur rendant seulement haÏssables, mais impraticables. Pour leur prêcher la vertu, on leur fait aimer tous les vices on les leur donne, en leur défendant de les avoir. Veut-on les rendre pieux, on les mène s’ennuyer à l’église ; cri leur faisant incessamment marmotter des prières, on les force d’aspirer au bonheur de ne plus prie, Dieu. Pour leur inspirer la charité, on leur fait donner l’aumône, comme si l’on dédaignoit de la donner soi-même. Eh ! ce n’est pas l’enfant qui doit donner, c’est le maître : quelque attachement qu’il ait pour son élève, il doit lui disputer cet honneur ; il doit lui faire juger qu’à son âge on n’en est point encore digne. L’aumône est une action d’homme qui connaît la valeur de ce qu’il donne, & le besoin que son semblable en a. L’enfant, qui ne connaît rien de cela, ne peut avoir aucun mérite à donner ; il donne sans charité, sans bienfaisance ; il est presque honteux de donner, quand, fondé sur son exemple & le vôtre, il croit qu’il n’y a que les enfans qui donnent, & qu’on ne fait plus l’aumône étant grand.

Remarquez qu’on ne fait jamais donner par l’enfant que des choses dont il ignore la valeur, des pièces de métal qu’il a dans sa poche, & qui ne lui servent qu’à cela. Un