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de cette conduite, & qui s’avise cela de casser une fenêtre à dessein [1]. Suivez la chaîne de tout cela. Le petit méchant ne songeait guère, en faisant un trou pour planter sa fève, qu’il se creusoit un cachot où sa science ne tarderoit pas à le faire enfermer.

Nous voilà dans le monde moral, voilà la porte ouverte au vice. Avec les conventions & les devoirs naissent la tromperie & le mensonge. Dès qu’on peut faire ce qu’on ne doit pas, on veut cacher qu’on n’a pas dû faire. Dès qu’un intérêt fait promettre, un intérêt plus grand peut faire violer la promesse ; il ne s’agit plus de la violer impunément : la ressource est naturelle ; on se cache & l’on ment. N’ayant pu prévenir le vice, nous voici déjà dans le cas de le punir. Voilà les misères de la vie humaine qui commencera avec ses erreurs.

J’en ai dit assez pour faire entendre qu’il ne faut jamais

  1. Au reste, quand ce devoir de tenir ses engagements ne seroit pas affermi dans l’esprit de l’enfant par le poids de son utilité, bientôt le sentiment intérieur, commençant à poindre, le lui imposerait comme une loi de la conscience, comme un principe inné qui n’attend pour se développer que les connaissances auxquelles il s’applique. Ce premier trait n’est point marqué par la main des hommes, mais gravé dans nos cœurs par l’auteur de toute justice. Otez la loi primitive des conventions & l’obligation qu’elle impose, tout est illusoire & vain dans la société humaine. Qui ne tient que par son profit à sa promesse n’est guère plus lie que s’il n’eût rien promis ; ou tout au plus il en sera du pouvoir de la violer comme de la bisque des joueurs, qui ne tardent à s’en prévaloir que pour attendre le moment de s’en prévaloir avec plus d’avantage. Ce principe est de la dernière importance, & mérite d’être approfondi ; car c’est ici que l’homme commence à se mettre en contradiction avec lui-même.