Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car il vaut mieux qu’il soit enrhumé que fou. Ne vous plaignez jamais des incommodités qu’il vous cause, mais faites qu’il les sente le premier. À la fin vous faites raccommoder les vitres, toujours sans rien dire : il les casse encore ; changez alors de méthode ; dites-lui séchement, mais sans colere ; les fenêtres sont à moi, elles ont été mises là par mes soins, je veux les garantir, puis vous l’enfermerez à l’obscurité dans un lieu sans fenêtre. À ce procédé si nouveau il commence par crier, tempêter ; personne ne l’écoute. Bientôt il se lasse et change de ton. Il se plaint, il gémit : un domestique se présente, le mutin le prie de le délivrer. Sans chercher de prétextes pour n’en rien faire, le domestique répond : j’ai aussi des vitres à conserver, & s’en va. Enfin après que l’enfant aura demeuré là plusieurs heures, assez long-tems pour s’y ennuyer & s’en souvenir, quelqu’un lui suggerera de vous proposer un accord au moyen duquel vous lui rendriez la liberté, & il ne casseroit plus de vitres : il ne demandera pas mieux. Il vous fera prier de le venir voir, vous viendrez ; il vous fera sa proposition, & vous l’accepterez à l’instant en lui disant : c’est très bien pensé, nous y gagnerons tous deux ; que n’avez-vous eu plutôt cette bonne idée ? Et puis, sans lui demander ni protestation ni confirmation de sa promesse, vous l’embrasserez avec joie & l’emmenerez sur-le-champ dans sa chambre, regardant cet accord comme sacré & inviolable autant que si le serment y avoit passé. Quelle idée pensez-vous qu’il prendra, sur ce procédé, de la foi des engagemens & de leur utilité ? Je suis trompé s’il y a sur la terre un seul enfant, non déjà gâté, à l’épreuve