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mœurs des villes que le vernis dont on les couvre rend séduisantes & contagieuses pour les enfans ; au lieu que les vices des paysans, sans apprêt & dans toute leur grossiereté, sont plus propres à rebuter qu’à séduire, quand on n’a nul intérêt à les imiter.

Au village un Gouverneur sera beaucoup plus maître des objets qu’il voudra présenter à l’enfant ; sa réputation, ses discours, son exemple, auront une autorité qu’ils ne sauroient avoir à la ville : étant utile à tout le monde, chacun s’empressera de l’obliger, d’être estimé de lui, de se montrer au disciple tel que le maître voudroit qu’on fût en effet ; & si l’on ne se corrige pas du vice, on s’abstiendra du scandale ; c’est tout ce dont nous avons besoin pour notre objet.

Cessez de vous en prendre aux autres de vos propres fautes : le mal que les enfans voyent les corrompt moins que celui que vous leur apprenez. Toujours sermoneurs, toujours moralistes, toujours pédans, pour une idée que vous leur donnez la croyant bonne, vous leur en donnez à la fois vingt autres qui ne valent rien ; plein de ce qui se passe dans votre tête, vous ne voyez pas l’effet que vous produisez dans la leur. Parmi ce long flux de paroles dont vous les excedez incessamment, pensez-vous qu’il n’y en ait pas une qu’ils saisissent à faux ? Pensez-vous qu’ils ne commentent pas à leur maniere vos explications diffuses, & qu’ils n’y trouvent pas de quoi se faire un systême à leur portée qu’ils sauront vous opposer dans l’occasion ?

Écoutez un petit bon-homme qu’on vient d’endoctriner ; laissez-le jaser, questionner, extravaguer à son aise, &