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sont des besoins de leur constitution qui cherche à se fortifier : mais on doit se défier de ce qu’ils desirent sans le pouvoir faire eux-mêmes, & que d’autres sont obligés de faire pour eux. Alors il faut distinguer avec soin le vrai besoin, le besoin naturel, du besoin de fantaisie qui commence à naître, ou de celui qui ne vient que de la surabondance de vie dont j’ai parlé.

J’ai déjà dit ce qu’il faut faire quand un enfant pleure pour avoir ceci ou cela. J’ajouterai seulement que dès qu’il peut demander en parlant ce qu’il desire, & que pour l’obtenir plus vîte ou pour vaincre un refus il appuie de pleurs sa demande, elle lui doit être irrévocablement refusée. Si le besoin l’a fait parler, vous devez le savoir & faire aussi-tôt ce qu’il demande : mais céder quelque chose à ses larmes, c’est l’exciter à en verser, c’est lui apprendre à douter de votre bonne volonté, & à croire que l’importunité peut plus sur vous que la bienveillance. S’il ne vous croit pas bon, bientôt il sera méchant ; s’il vous croit foible, il sera bientôt opiniâtre : il importe d’accorder toujours au premier signe ce qu’on ne veut pas refuser. Ne soyez point prodigue en refus, mais ne les révoquez jamais.

Gardez-vous sur-tout de donner à l’enfant de vaines formules de politesse qui lui servent au besoin de paroles magiques, pour soumettre à ses volontés tout ce qui l’entoure, & obtenir à l’instant ce qu’il lui plait. Dans l’éducation façonniere des riches, on ne manque jamais de les rendre poliment impérieux, en leur prescrivant les ter-