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J’ai dit la raison de cet état de faiblesse. La nature y pourvoit par l’attachement des pères & des mères : mais cet attachement peut avoir son excès, son défaut, ses abus. Des parents qui vivent dans l’état civil y transportent leur enfant avant l’âge. En lui donnant plus de besoins qu’il n’en a, ils ne soulagent pas sa faiblesse, ils l’augmentent. Ils l’augmentent encore en exigeant de lui ce que la nature n’exigeait pas, en soumettant à leurs volontés le peu de forces qu’il a pour servir les siennes, en changeant de part ou d’autre en esclavage la dépendance réciproque où le tient sa faiblesse & ou les tient leur attachement.

L’homme sage sait rester à sa place ; mais l’enfant, qui ne connaît pas la sienne, ne sauroit s’y maintenir. Il a parmi nous mille issues pour en sortir ; c’est a ceux gouvernent à l’y retenir, & cette tâche n’est pas facile. Il ne doit être ni bête ni homme, mais enfant ; il faut qu’il sente sa faiblesse & non qu’il en souffre, il faut qu’il dépende & non qu’il obéisse ; il faut qu’il demande & non qu’il commande. Il n’est soumis aux autres qu’à cause de ses besoins, & parce qu’ils voient mieux que lui ce lui est utile, ce qui peut contribuer ou nuire à sa conservation. Nul n’a droit, pas même le père, de commander à l’enfant ce qui ne lui est bon à rien.

Avant que les préjugés & les institutions humaines aient altéré nos penchants naturels, le bonheur des enfans ainsi que des hommes consiste dans l’usage de leur liberté ; mais cette liberté dans les premiers est bornée par leur faiblesse. Quiconque fait ce qu’il veut est heureux, s’il se suffit à