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les friponneries que le désordre amene infailliblement, & de les conserver toujours honnêtes gens, enfin par le plaisir d’avoir chez nous à peu de frais des récréations agréables pour nous-mêmes ? Que s’il se trouve parmi nos gens quelqu’’un, soit homme, soit femme, qui ne s’accommode pas de nos regles & leur préfere la liberté d’aller sous divers prétextes courir où bon lui semble, on ne lui en refuse jamais la permission ; mais nous regardons ce goût de licence comme un indice tres suspect & nous ne tardons pas à nous défaire de ceux qui l’ont. Ainsi ces mêmes amusemens qui nous conservent de bons sujets nous servent encore d’épreuve pour les choisir. Milord, j’avoue que je n’ai jamais vu qu’ici des maîtres former à la fois dans les mêmes hommes de bons domestiques pour le service de leurs personnes, de bons paysans pour cultiver leurs terres, de bons soldats pour la défense de la patrie & des gens de bien pour tous les états où la fortune peut les appeler.

L’hiver, les plaisirs changent d’espece ainsi que les travaux. Les dimanches, tous les gens de la maison & même les voisins, hommes & femmes indifféremment, se rassemblent après le service dans une salle basse, où ils trouvent du feu, du vin, des fruits, des gâteaux & un violon qui les fait danser. Madame de Wolmar ne manque jamais de s’y rendre, au moins pour quelques instants, afin d’y maintenir par sa présence l’ordre & la modestie & il n’est pas rare qu’elle y danse elle-même, fût-ce avec ses proprès gens. Cette regle, quand je l’appris, me parut d’abord moins conforme à la sévérité des mœurs protestantes. Je le dis à Julie ; & voici à peu près ce qu’elle me répondit :