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mais on ne les laisse point amollir par l’oisiveté, mere des vices. On ne souffre point qu’ils deviennent des messieurs & s’enorgueillissent de la servitude ; ils continuent de travailler comme ils faisoient dans la maison paternelle : ils n’ont fait, pour ainsi dire, que changer de pere & de mere & en gagner de plus opulents. De cette sorte, ils ne prennent point en dédain leur ancienne vie rustique. Si jamais ils sortoient d’ici, il n’y en a pas un qui ne reprît plus volontiers son état de paysan que de supporter une autre condition. Enfin je n’ai jamais vu de maison où chacun fît mieux son service & s’imaginât moins de servir.

C’est ainsi qu’en formant & dressant ses proprès domestiques, on n’a point à se faire cette objection, si commune & si peu sensée : Je les aurai formés pour d’autres ! Formez-les comme il faut, pourrait-on répondre & jamais ils ne serviront à d’autres. Si vous ne songez qu’à vous en les formant, en vous quittant ils font fort bien de ne songer qu’à eux ; mais occupez-vous d’eux un peu davantage & ils vous demeureront attachés. Il n’y a que l’intention qui oblige ; & celui qui profite d’un bien que je ne veux faire qu’à moi ne me doit aucune reconnaissance.

Pour prévenir doublement le même inconvénient, M. & Madame de Wolmar emploient encore un autre moyen qui me paroit fort bien entendu. En commençant leur établissement, ils ont cherché quel nombre de domestiques ils pouvoient entretenir dans une maison montée à peu près selon leur état & ils ont trouvé que ce nombre alloit à quinze ou seize ; pour être mieux servis, ils l’ont réduit à la