Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

de nouvelles entraves & me mettre dans la nécessité d’y passer encore cet hiver, ce qui n’est pas mon compte ni le tien. Ne vaut-il pas mieux nous priver de nous voir deux ou trois jours à la hâte & nous rejoindre six mois plus tôt ? Je pense aussi qu’il ne sera pas inutile que je cause en particulier & un peu à loisir avec notre philosophe, soit pour sonder & raffermir son cœur, soit pour lui donner quelques avis utiles sur la maniere dont il doit se conduire avec ton mari & même avec toi ; car je n’imagine pas que tu puisses lui parler bien librement là-dessus & je vois par ta lettre même qu’il a besoin de conseil. Nous avons pris une si grande habitude de le gouverner, que nous sommes un peu responsables de lui à notre propre conscience ; & jusqu’à ce que sa raison soit entierement libre, nous y devons suppléer. Pour moi, c’est un soin que je prendrai toujours avec plaisir ; car il a eu pour mes avis des déférences coûteuses que je n’oublierai jamais & il n’y a point d’homme au monde, depuis que le mien n’est plus, que j’estime & que j’aime autant que lui. Je lui réserve aussi pour son compte le plaisir de me rendre ici quelques services.

J’ai beaucoup de papiers mal en ordre qu’il m’aidera à débrouiller & quelques affaires épineuses où j’aurai besoin à mon tour de ses lumieres & de ses soins. Au reste, je compte ne le garder que cinq ou six jours tout au plus & peut-être te le renverrai-je des le lendemain ; car j’ai trop de vanité pour attendre que l’impatience de s’en retourner le prenne & l’œil trop bon pour m’y tromper.

Ne manque donc pas, sitôt qu’il sera remis, de me l’envoyer,