de tous mes besoins ; je n’en ai point quand il est tranquille. Laissez-le en paix l’une & l’autre & désormais il l’est pour toujours.
Dans cet état, qu’ai-je à craindre de moi-même & par quelle précaution cruelle voulez-vous m’ôter mon bonheur pour ne pas m’exposer à le perdre ? Quel caprice de m’avoir fait combattre & vaincre, pour m’enlever le prix après la victoire ! N’est-ce pas vous qui rendez blâmable un danger bravé sans raison ? Pourquoi m’avoir appelé près de vous avec tant de risques, ou pourquoi m’en bannir quand je suis digne d’y rester ? Deviez-vous laisser prendre à votre mari tant de peine à pure perte ? Que ne le faisiez-vous renoncer à des soins que vous aviez résolu de rendre inutiles ? Que ne lui disiez-vous, laissez-le au bout du monde, puisqu’aussi-bien je l’y veux renvoyer ? Hélas ! plus vous craignez pour moi, plus il faudroit vous hâter de me rappeler. Non, ce n’est pas près de vous qu’est le danger, c’est en votre absence & je ne vous crains qu’où vous n’êtes pas. Quand cette redoutable Julie me poursuit, je me réfugie auprès de Madame de Wolmar & je suis tranquille ; où fuirai-je si cet asyle m’est ôté ? Tous les tems, tous les lieux me sont dangereux loin d’elle ; par-tout je trouve Claire ou Julie. Dans le passé, dans le présent, l’une & l’autre m’agite à son tour ; ainsi mon imagination toujours troublée ne se calme qu’à votre vue, & ce n’est qu’aupres de vous que je suis en sûreté contre moi. Comment vous expliquer le changement que j’éprouve en vous abordant ? Toujours vous exercez le même empire, mais son