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avez de la religion ; mais j’ai peur que vous n’en tiriez pas tout l’avantage qu’elle offre dans la conduite de la vie & que la hauteur philosophique ne dédaigne la simplicité du chrétien. Je vous ai vu sur la priere des maximes que je ne saurais goûter. Selon vous, cet acte d’humilité ne nous est d’aucun fruit ; & Dieu, nous ayant donné dans la conscience tout ce qui peut nous porter au bien, nous abandonne ensuite à nous-mêmes & laisse agir notre liberté. Ce n’est pas là, vous le savez, la doctrine de saint Paul, ni celle qu’on professe dans notre Eglise. Nous sommes libres, il est vrai, mais nous sommes ignorants, faibles, portés au mal. & d’où nous viendroient la lumiere & la force, si ce n’est de celui qui en est la source & pourquoi les obtiendrions-nous, si nous ne daignons pas les demander ? Prenez garde, mon ami, qu’aux idées sublimes que vous vous faites du grand Etre l’orgueil humain ne mêle des idées basses qui se rapportent à l’homme ; comme si les moyens qui soulagent notre foiblesse convenoient à la puissance divine & qu’elle eût besoin d’art comme nous pour généraliser les choses afin de les traiter plus facilement ! Il semble, à vous entendre, que ce soit un embarras pour elle de veiller sur chaque individu ; vous craignez qu’une attention partagée & continuelle ne la fatigue & vous trouvez bien plus beau qu’elle fasse tout par des loix générales, sans doute parce qu’elles lui coûtent moins de soin. Ô grands philosophes ! que Dieu vous est obligé de lui fournir ainsi des méthodes commodes & de lui abréger le travail !

À quoi bon lui rien demander, dites-vous encore, ne connaît-il pas tous nos besoins ? N’est-il pas notre pere