qui ressemble à Claire d’Orbe, à Julie d’Etange & qui puisse consoler de leur perte un cœur qui sut les aimer.
Comment vous parler de ma guérison ? C’est de vous que je dois apprendre à la connaître. Reviens-je plus libre, & plus sage que je ne suis parti ? J’ose le croire & ne puis l’affirmer. La même image regne toujours dans mon cœur ; vous savez s’il est possible qu’elle s’en efface ; mais son empire est plus digne d’elle & si je ne me fais pas illusion, elle regne dans ce cœur infortuné comme dans le vôtre. Oui, ma cousine, il me semble que sa vertu m’a subjugué, que je ne suis pour elle que le meilleur & le plus tendre ami qui fût jamais, que je ne fais plus que l’adorer comme vous l’adorez vous-même ; ou plutôt il me semble que mes sentimens ne se sont pas affaiblis, mais rectifiés ; & avec quelque soin que je m’examine, je les trouve aussi purs que l’objet qui les inspire. Que puis-je vous dire de plus jusqu’à l’épreuve qui peut m’apprendre à juger de moi ? Je suis sincere & vrai ; je veux être ce que je dois être : mais comment répondre de mon cœur avec tant de raisons de m’en défier ? Suis-je le maître du passé ? Puis-je empêcher que mille feux ne m’aient autrefois dévoré ? Comment distinguerai-je par la seule imagination ce qui est de ce qui fut ? & comment me représenterai-je amie celle que je ne vis jamais qu’amante ? Quoi que vous pensiez peut-être du motif secret de mon empressement, il est honnête & raisonnable ; il mérite que vous l’approuviez. Je réponds d’avance au moins de mes intentions. Souffrez que je vous voie & m’examinez vous-même ; ou laissez-moi voir Julie & je saurai ce que je suis.