à rendre par mes vertus un plus digne hommage à celle qui reçut si long-tems tous ceux de mon cœur. Je marquois hautement le premier de mes jours où je ne faisois rougir de moi ni vous, ni elle, ni rien de tout ce qui m’étoit cher.
Milord Edouard avoit craint l’attendrissement des adieux & nous voulions partir sans être apperçus ; mais, tandis que tout dormoit encore, nous ne pûmes tromper votre vigilante amitié. En apercevant votre porte entrouverte & votre femme de chambre au guet, en vous voyant venir au-devant de nous, en entrant & trouvant une table à thé préparée, le rapport des circonstances me fit songer à d’autres temps ; & comparant ce départ à celui dont il me rappeloit l’idée, je me sentis si différent de ce que j’étois alors, que, me félicitant d’avoir Edouard pour témoin de ces différences, j’espérai bien lui faire oublier à Milan l’indigne scene de Besançon. Jamais je ne m’étois senti tant de courage : je me faisois une gloire de vous le montrer ; je me parois aupres de vous de cette fermeté que vous ne m’aviez jamais vue & je me glorifiois en vous quittant de paroître un moment à vos yeux tel que j’allois être. Cette idée ajoutoit à mon courage ; je me fortifiois de votre estime ; & peut-être vous eussé-je dit adieu d’un œil sec, si vos larmes coulant sur ma joue n’eussent forcé les miennes de s’y confondre.
Je partis le cœur plein de tous mes devoirs, pénétré sur-tout de ceux que votre amitié m’impose & bien résolu d’employer le reste de ma vie à la mériter. Edouard passant