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qu’elles m’avoient fournies & que vous approuvâtes. Depuis mon départ, il m’est venu de nouvelles réflexions sur le même sujet & j’ai réduit le tout en une espece de systeme que je vous communiquerai quand je l’aurai mieux digéré, afin que vous l’examiniez à votre tour. Ce n’est qu’apres notre arrivée à Rome, que j’espere pouvoir le mettre en état de vous être montré. Ce systeme commence où finit celui de Julie, ou plutôt il n’en est que la suite & le développement ; car tout consiste à ne pas gâter l’homme de la nature en l’appropriant à la société.

J’ai recouvré ma raison par vos soins : redevenu libre & sain de cœur, je me sens aimé de tout ce qui m’est cher, l’avenir le plus charmant se présente à moi : ma situation devroit être délicieuse ; mais il est dit que je n’aurai jamais l’âme en paix. En approchant du terme de notre voyage, j’y vois l’époque du sort de mon illustre ami ; c’est moi qui dois pour ainsi dire en décider. Saurai-je faire au moins une fois pour lui ce qu’il a fait si souvent pour moi ? Saurai-je remplir dignement le plus grand, le plus important devoir de ma vie ? Cher Wolmar, j’emporte au fond de mon cœur toutes vos leçons, mais, pour savoir les rendre utiles, que ne puis-je de même emporter votre sagesse ! Ah ! si je puis voir un jour Edouard heureux ; si, selon son projet & le vôtre, nous nous rassemblons tous pour ne nous plus séparer, quel vœu me restera-t-il à faire ? Un seul, dont l’accomplissement ne dépend ni de vous, ni de moi, ni de personne au monde, mais de celui qui doit un prix aux vertus de votre épouse & compte en secret vos bienfaits.