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la douce liqueur pour laquelle ils sont destinés. Mde. de Wolmar s’est chargée de la récolte ; le choix des ouvriers, l’ordre & la distribution du travail la regardent. Mde. d’Orbe préside aux festins de vendange & au salaire des ouvriers selon la police établie, dont les loix ne s’enfreignent jamais ici. Mon inspection à moi est de faire observer au pressoir les directions de Julie, dont la tête ne supporte pas la vapeur des cuves ; & Claire n’a pas manqué d’applaudir à cet emploi, comme étant tout-à-fait du ressort d’un buveur.

Les tâches ainsi partagées, le métier commun pour remplir les vides est celui de vendangeur. Tout le monde est sur pied de grand matin : on se rassemble pour aller à la vigne. Mde. d’Orbe, qui n’est jamais assez occupée au gré de son activité, se charge, pour surcroît, de faire avertir & tancer les paresseux & je puis me vanter qu’elle s’acquitte envers moi de ce soin avec une maligne vigilance. Quant au vieux baron, tandis que nous travaillons tous, il se promene avec un fusil & vient de tems en tems m’ôter aux vendangeuses pour aller avec lui tirer des grives, à quoi l’on ne manque pas de dire que je l’ai secretement engagé ; si bien que j’en perds peu à peu le nom de philosophe pour gagner celui de fainéant, qui dans le fond n’en differe pas de beaucoup.

Vous voyez, par ce que je viens de vous marquer du baron, que notre réconciliation est sincere & que Wolmar a lieu d’être content de sa seconde épreuve [1]. Moi, de la

  1. Ceci s’entendra mieux par l’extrait suivant d’une lettre de Julie qui n’est pas dans ce recueil. « Voilà, me dit M. De Wolmar en me tirant à part, le seconde épreuve que je lui destinois.