votre séjour à l’armée & j’en frémis. Julie n’en est pas moins inquiete : elle vous prie de nous donner plus souvent de vos nouvelles & vous conjure de songer, en exposant votre personne, combien vous prodiguez le repos de vos amis. Pour moi je n’ai rien à vous dire. Faites votre devoir ; un conseil timide ne peut non plus sortir de mon cœur qu’approcher du vôtre. Cher Bomston, je le sais trop, la seule mort digne de ta vie seroit de verser ton sang pour la gloire de ton pays ; mais ne dois-tu nul compte de tes jours à celui qui n’a conservé les siens que pour toi ?
LETTRE IV. DE MILORD EDOUARD À SAINT PREUX.
Je vois par vos deux dernieres lettres qu’il m’en manque une antérieure à ces deux-là, apparemment la premiere que vous m’ayez écrite à l’armée & dans laquelle étoit l’explication des chagrins secrets de Mde. de Wolmar. Je n’ai point reçu cette lettre & je conjecture qu’elle pouvoit être dans la malle d’un courrier qui nous a été enlevé. Répétez-moi donc, mon ami, ce qu’elle contenait : ma raison s’y perd & mon cœur s’en inquiete ; car, encore une fois, si le bonheur & la paix ne sont pas dans l’âme de Julie, où sera leur asile ici-bas ?
Rassurez-la sur les risques auxquels elle me croit exposé ;