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Tout cela me paraîtroit fort bien, ai-je dit, si je n’y voyois un inconvénient qui nuit fort aux avantages que vous attendez de cette méthode ; c’est de laisser prendre aux enfans mille mauvaises habitudes qu’on ne prévient que par les bonnes. Voyez ceux qu’on abandonne à eux-mêmes ; ils contractent bientôt tous les défauts dont l’exemple frappe leurs yeux, parce que cet exemple est commode à suivre & n’imitent jamais le bien, qui coûte plus à pratiquer. Accoutumés à tout obtenir, à faire en toute occasion leur indiscrete volonté, ils deviennent mutins, têtus, indomptables… - Mais, a repris M. de Wolmar, il me semble que vous avez remarqué le contraire dans les nôtres & que c’est ce qui a donné lieu à cet entretien. - Je l’avoue, ai-je dit & c’est précisément ce qui m’étonne. Qu’a-t-elle fait pour les rendre dociles ? Comment s’y est-elle prise ? Qu’a-t-elle substitué au joug de la discipline ? - Un joug bien plus inflexible, a-t-il dit à l’instant, celui de la nécessité. Mais, en vous détaillant sa conduite elle vous fera mieux entendre ses vues. Alors il l’a engagée à m’expliquer sa méthode ; & après une courte pause, voici à peu pres comme elle m’a parlé.

Heureux les enfans bien nés, mon aimable ami ! Je ne présume pas autant de nos soins que M. de Wolmar. Malgré ses maximes, je doute qu’on puisse jamais tirer un bon parti d’un mauvais caractere & que tout naturel puisse être tourné à bien ; mais, au surplus, convaincue de la bonté de sa méthode, je tâche d’y conformer en tout ma conduite dans le gouvernement de la famille. Ma premiere espérance est que des méchans ne seront pas sortis de mon sein ; la seconde est