Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

Souvent dans ses tournées M. de Wolmar rencontre quelque bon vieillard dont le sens & la raison le frappent & qu’il se plaît à faire causer. Il l’amene à sa femme ; elle lui fait un accueil charmant, qui marque non la politesse & les airs de son état, mais la bienveillance & l’humanité de son caractere. On retient le bonhomme à dîner : Julie le place à côté d’elle, le sert, le caresse, lui parle avec intérêt, s’informe de sa famille, de ses affaires, ne sourit point de son embarras, ne donne point une attention gênante à ses manieres rustiques, mais le met à l’aise par la facilité des siennes & ne sort point avec lui de ce tendre & touchant respect dû à la vieillesse infirme qu’honore une longue vie passée sans reproche. Le vieillard enchanté se livre à l’épanchement de son cœur ; il semble reprendre un moment la vivacité de sa jeunesse. Le vin bu à la santé d’une jeune dame en réchauffe mieux son sang à demi glacé. Il se ranime à parler de son ancien temps, de ses amours, de ses campagnes, des combats où il s’est trouvé, du courage de ses compatriotes, de son retour au pays, de sa femme, de ses enfans, des travaux champêtres, des abus qu’il a remarqués, des remedes qu’il imagine. Souvent des longs discours de son âge sortent d’excellens préceptes moraux, ou des leçons d’agriculture ; & quand il n’y auroit dans les choses qu’il dit que le plaisir qu’il prend à les dire, Julie en prendroit à les écouter.

Elle passe après le dîner dans sa chambre & en rapporte un petit présent de quelque nippe convenable à la femme ou aux filles du vieux bonhomme. Elle le lui fait offrir par les