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promenade, ayant de l’autre côté de la maison des bosquets si charmans & si négligés ?Il est vrai, dit-elle un peu embarrassée ; mais j’aime mieux ceci.Si vous aviez bien songé à votre question avant que de la faire, interrompit M. de Wolmar, elle seroit plus qu’indiscrete. Jamais ma femme depuis son mariage n’a mis les pieds dans les bosquets dont vous parlez. J’en sais la raison quoiqu’elle me l’ait toujours tué. Vous qui ne l’ignorez pas, apprenez à respecter les lieux où vous êtes ; ils sont plantés par les mains de la vertu.

À peine avais-je reçu cette juste réprimande, que la petite famille, menée par Fanchon, entra comme nous sortions. Ces trois aimables enfans se jetterent au cou de M. & de Madame de Wolmar. J’eus ma part de leurs petites caresses. Nous rentrâmes, Julie & moi, dans l’Elysée en faisant quelques pas avec eux, puis nous allâmes rejoindre M. de Wolmar, qui parloit à des ouvriers. Chemin faisant, elle me dit qu’après être devenue mere, il lui étoit venu sur cette promenade une idée qui avoit augmenté son zele pour l’embellir. J’ai pensé, me dit-elle, à l’amusement de mes enfans & à leur santé quand ils seront plus âgés. L’entretien de ce lieu demande plus de soin que de peine ; il s’agit plutôt de donner un certain contour aux rameaux des plans que de bêcher & labourer la terre : j’en veux faire un jour mes petits jardiniers ; ils auront autant d’exercice qu’il leur en faut pour renforcer leur tempérament & pas assez pour le fatiguer. D’ailleurs ils feront faire ce qui sera trop fort pour leur âge, & se borneront au travail qui les amusera. Je ne saurois vous dire,