autres leur ôte l’occasion d’un honnête établissement. Nous tâchons dans ces petites assemblées de leur procurer cette occasion sous nos yeux, pour les aider à mieux choisir ; & en travaillant ainsi à former d’heureux ménages, nous augmentons le bonheur du nôtre.
Il resteroit à me justifier moi-même de danser avec ces bonnes gens ; mais j’aime mieux passer condamnation sur ce point & j’avoue franchement que mon plus grand motif en cela est le plaisir que j’y trouve. Vous savez que j’ai toujours partagé la passion que ma cousine a pour la danse ; mais après la perte de ma mere je renonçai pour ma vie au bal & à toute assemblée publique : j’ai tenu parole, même à mon mariage & la tiendrai, sans croire y déroger en dansant quelquefois chez moi avec mes hôtes & mes domestiques. C’est un exercice utile à ma santé durant la vie sédentaire qu’on est forcé de mener ici l’hiver. Il m’amuse innocemment ; car, quand j’ai bien dansé, mon cœur ne me reproche rien. Il amuse aussi M. de Wolmar ; toute ma coquetterie en cela se borne à lui plaire. Je suis cause qu’il vient au lieu où l’on danse ; ses gens en sont plus contens d’être honorés des regards de leur maître ; ils témoignent aussi de la joie à me voir parmi eux. Enfin je trouve que cette familiarité modérée forme entre nous un lien de douceur & d’attachement qui ramene un peu l’humanité naturelle en tempérant la bassesse de la servitude & la rigueur de l’autorité.
Voilà, Milord, ce que me dit Julie au sujet de la danse, & j’admirai comment avec tant d’affabilité pouvoit régner