convient d’autant mieux que le génie étant votre premiere destination, je sais que vous l’avez appris des votre enfance.
Je compte retourner demain à Londres [1], & vous présenter à M. Anson dans deux jours. En attendant, songez à votre équipage, & à vous pourvoir d’instruments, & de livres ; car l’embarquement est prêt, & l’on n’attend plus que l’ordre du départ. Mon cher ami, j’espere que Dieu vous ramenera sain de corps, & de cœur de ce long voyage, & qu’à votre retour nous nous rejoindrons pour ne nous séparer jamais.
Je pars, chére, & charmante cousine, pour faire le tour du globe ; je vais chercher dans un autre hémisphere la paix dont je n’ai pu jouir dans celui-ci. Insensé que je suis ! Je vais errer dans l’univers sans trouver un lieu pour y reposer mon cœur ; je vais chercher un asile au monde où je puisse être loin de vous ! Mais il faut respecter les volontés d’un ami, d’un bienfaiteur, d’un pere. Sans espérer de guérir, il faut au moins le vouloir, puisque Julie, & la vertu l’ordonnent. Dans trois heures je vais être à la merci des flots ; dans trois jours je ne verrai plus l’Europe ; dans trois mois je serai dans des mers inconnues où regnent d’éternels orages ; dans trois ans peut-être… Qu’il seroit affreux de ne vous plus
- ↑ Je n’entends pas trop bien ceci. Kinsington n’étant qu’à un quart de lieue de Londres, les Seigneurs qui vont à la Cour n’y couchent pas ; cependant voilà Milord Edouard forcé d’y passer je ne sais combien de jours.