LETTRES DE DEUX AMANS, HABITANS D’UNE PETITE VILLE AU PIED DES ALPES.
TROISIEME PARTIE
LETTRE I. DE MADAME D’ORBE.
Que de maux vous causez à ceux qui vous aiment ! Que de pleurs vous avez déjà fait couler dans une famille infortunée dont vous troublez le repos ! Craignez d’ajouter le deuil à nos larmes : craignez que la mort d’une mere affligée ne soit le dernier effet du poison que vous versez dans le cœur de sa fille, & qu’un amour désordonné ne devienne enfin pour vous-même la source d’un remords éternel. L’amitié m’a fait supporter vos erreurs tant qu’une ombre d’espoir pouvoit les nourrir ; mais comment tolérer une vaine constance que l’honneur & la raison condamnent, & qui ne pouvant plus causer que des malheurs & des peines ne mérite que le nom d’obstination ?
Vous savez de quelle maniere le secret de vos feux, dérobé