Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

franchise avec laquelle il reçoit ses hôtes, & traiter de brutale orgie la joie ; qu’il fait régner dans son canton ? Sur sa femme, qui apprend que les soins d’une mere de famille sont au - dessous des Dames de son rang ? Sur sa fille, à qui les airs contournés & le jargon de la Ville sont dédaigner l’honnete & rustique voisin qu’elle eût épousé ? Tous de concert ne voulant plus être des manans, se dégoûtent de leur Village, abandonnent leur vieux château, qui, bientôt devient masure, & vont dans la Capitale, où, le pere avec sa Croix de S. Louis, de Seigneur qu’il étoit, devient Valet, ou Chevalier d’industrie ; la mere établit un brelan ; la fille attire les joueurs, & souvent tous trois, après avoir mené une vie infâme, meurent de misere & déshonorés.

Les Auteurs, les Gens de Lettres, les Philosophes ne cessent de crier que, pour remplir ses devoirs de citoyen, pour servir ses semblables, il faut habiter les grandes Villes ; selon eux fuir Paris, c’est haÏr le genre humain ; le peuple de la campagne est nul à leurs yeux ; à les entendre on croiroit qu’il n’y a des hommes qu’où il y a des pensions, des académies & des dînés.