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amie ! & toi, la bien-aimée de mon cœur ! toi dont à peine des mon enfance, je puis rester éloignée un seul jour ; te fuir, te quitter, te perdre, ne te plus voir !… ah ! non ! que jamais… que de tourmens déchirent ta malheureuse amie ! elle sent à la fois tous les maux dont elle a le choix, sans qu’aucun des biens qui lui resteront la console. Hélas ! je m’égare. Tant de combats passent ma force & troublent ma raison ; je perds à la fois le courage & le sens. Je n’ai plus d’espoir qu’en toi seule. Ou choisis, ou laisse-moi mourir.

LETTRE V. REPONSE.

Tes perplexités ne sont que trop bien fondées, ma chère Julie ; je les ai prévues & n’ai pu les prévenir ; je les sens & ne les puis appaiser ; & ce que je vois de pire dans ton état, c’est que personne ne t’en peut tirer que toi-même. Quand il s’agit de prudence, l’amitié vient au secours d’une ame agitée ; s’il faut choisir le bien ou le mal, la passion qui les méconnaît peut se taire devant un conseil désintéressé. Mais ici, quelque parti que tu prennes, la nature l’autorise & le condamne, la raison le bl ame & l’approuve, le devoir, se tait ou s’oppose à lui-même ; les suites sont également à craindre de part & d’autre ; tu ne peux ni rester indécise ni bien choisir ; tu n’asque des peines à comparer & ton cœur seul en est le juge. Pour moi, l’importance