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LETTRE LIV. À JULIE.

J’arrive plein d’une émotion qui s’accroît en entrant dans cet asyle. Julie ! me voici dans ton cabinet, me voici dans le sanctuaire de tout ce que mon cœur adore. Le flambeau de l’amour guidoit mes pas, & j’ai passé sans être apperçu. Lieu charmant, lieu fortuné, qui jadis vis tant réprimer de regards tendres, tant étouffer de soupirs brûlans ; toi qui vis naître & nourrir mes premiers feux, pour la seconde fois tu les verras couronner ; témoin de ma constance immortelle, sois le témoin de mon bonheur, & voile à jamais les plaisirs du plus fidele & du plus heureux des hommes.

Que ce mystérieux séjour est charmant ! Tout y flatte & nourrit l’ardeur qui me dévore. Ô Julie ! il est plein de toi, & la flamme de mes désirs s’y répand sur tous tes vestiges. Oui, tous mes sens y sont enivrés à la fois. Je ne sais quel parfum presque insensible, plus doux que la rose, & plus léger que l’iris, s’exhale ici de toutes parts. J’y crois entendre le son flatteur de ta voix. Toutes les parties de ton habillement éparses présentent à mon ardente imagination celles de toi-même qu’elles recelent. Cette coeffure légere que parent de grands cheveux blonds qu’elle feint de couvrir ; cet heureux fichu contre lequel une fois au moins je n’aurai point à murmurer ; ce déshabillé élégant & simple