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LETTRE LI. REPONSE.

Il n’y pas une ligne dans votre lettre qui ne me fasse glacer le sang, & j’ai peine à croire, après l’avoir relue vingt fois que ce soit à moi qu’elle est adressée. Qui moi, moi ? J’aurois offensé Julie ? J’aurois profané ses attraits ? Celle à qui chaque instant de ma vie j’offre des adorations, eût été en butte à mes outrages ? Non, je me serois percé le cœur mille fois avant qu’un projet si barbare en eût approché. Ah ! que tu le connois mal, ce cœur qui t’idolâtre, ce cœur qui vole & se prosterne sous chacun de tes pas ! ce cœur qui voudroit inventer pour toi de nouveaux hommages inconnus aux mortels ! Que tu le connois mal, ô Julie ! si tu l’accuses de manquer envers toi à ce respect ordinaire & commun qu’un amant vulgaire auroit même pour sa maîtresse ! Je ne crois être ni impudent ni brutal, je hair les discours déshonnêtes & n’entrai de mes jours dans les lieux où l’on apprend à les tenir. Mais, que je le redise après toi, que je renchérisse sur ta juste indignation ; quand je serois le plus vil des mortels, quand J’aurois passé mes premiers ans dans la crapule, quand le goût des honteux plaisirs pourroit trouver place en un cœur où tu regnes, oh ! dis-moi, Julie, Ange du Ciel ! dis-moi comment je pourrois apporter devant toi l’effronterie qu’on ne peut avoir que devant celles qui l’aiment. Ah ! non, il n’est pas possible ! Un seul de tes