plus modérées. Les méditations y prennent je ne sais quel caractere grand & sublime, proportionné aux objets qui nous frappent, je ne sais quelle volupté tranquille qui n’a rien d’âcre & de sensuel. Il semble qu’en s’élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentimens bas & terrestres, & qu’à mesure qu’on approche des régions éthérées, l’ame contracte quelque chose de leur inaltérable pureté. On y est grave sans mélancolie, paisible sans indolence, content d’être & de penser : tous les désirs trop vifs s’émoussent ; ils perdent cette pointe aigue qui les rend douloureux, ils ne laissent au fond du cœur qu’une émotion légere & douce, & c’est ainsi qu’un heureux climat fait servir à la félicité de l’homme les passions qui font ailleurs son tourment. Je doute qu’aucune agitation violente, aucune maladie de vapeurs pût tenir contre un pareil séjour prolongé, & je suis surpris que des bains de l’air salutaire & bienfaisant des montagnes ne soient pas un des grands remedes de la médecine & de la morale.
Qui non palazzi, non teatro o loggia,
Ma’n lor vece un’abete, un faggio, un pino
Trà l’erba verde e’l bel monte vicino
Levan di terra al Ciel nostr’intelletto. [1]
Supposez les impressions réunies de ce que je viens de vous décrire, & vous aurez quelque idée de la situation délicieuse où je me trouvois. Imaginez la variété, la grandeur, la
- ↑ Au lieu des palais, des pavillons, des théâtres, les chênes, les noirs sapins, les hêtres s’élancent de l’herbe verte au sommet des monts, & semblent élever au Ciel avec leurs têtes, les yeux & l’esprit des mortels.