Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

les autres. Ce n’est point sans chagrin que je vous ai vu partir, ce n’est point sans plaisir que je vous verrois de retour. Mais… Prenez patience ainsi que moi puisqu’il le faut, sans en demander davantage. Soyez sûr que je vous rappellerai le plustôt qu’il me sera possible ; & pensez que souvent tel qui se plaint bien haut de l’absence, n’est pas celui qui en souffre le plus.

LETTRE XXI. À JULIE.

Que j’ai souffert en la recevant, cette lettre souhaitée avec tant d’ardeur ! J’attendois le Courrier à la poste. À peine le paquet étoit-il ouvert que je me nomme, je me rends importun ; on me dit qu’il y a une lettre, je tressaille ; je la demande agité d’une mortelle impatience : je la reçois enfin. Julie, j’apperçois les traits de ta moin adorée ! La mienne tremble en s’avançant pour recevoir ce précieux dépôt. Je voudrois baiser mille fois ces sacrés caracteres. Ô circonspection d’un amour craintif ! Je n’ose porter la lettre à ma bouche, ni l’ouvrir devant tant de témoins. Je me dérobe à la hâte. Mes genoux trembloient sous moi ; mon émotion croissante me laisse à peine appercevoir mon chemin ; j’ouvre la lettre au premier détour ; je la parcours, je la dévore ; & à peine suis-je à ces lignes où tu peins si bien les plaisirs de ton cœur en embrassant ce respectable pere,