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plus d’instruction. Ils vous diront qu’il y a autant de tout cela parmi nous que parmi les anciens. Cela n’est pas vrai. Ouvrez leur histoire & faites-les taire. Il y a des peuples sans physionomie auxquels il ne faut point de peintres ; il y a des gouvernemens sans caractere auxquels il ne faut point d’historiens, & où, sitôt qu’on sait quelle place un homme occupe, on sait d’avance tout ce qu’il y fera. Ils diront que ce sont les bons historiens qui nous manquent ; mais demandez-leur pourquoi. Cela n’est pas vrai. Donnez matiere à de bonnes histoires, & les bons historiens se trouveront. Enfin ils diront que les hommes de tous les tels se ressemblent, qu’ils ont les mêmes vertus & les mêmes vices ; qu’on n’admire les anciens que parce qu’ils sont anciens. Cela n’est pas vrai non plus ; car on faisoit autrefois de grandes choses avec de petits moyens, & l’on fait aujourd’hui tout le contraire. Les anciens étoient contemporains de leurs historiens, & nous ont pourtant appris à les admirer : assurément, si la postérité jamais admire les nôtres, elle ne l’aura pas appris de nous.

J’ai laissé, par égard pour votre inséparable cousine, quelques livres de petite littérature que je n’aurois pas laissés pour vous ; hors de Pétrarque, le Tasse, le Métastase, & les maîtres du théâtre françois, je n’y mêle ni poete, ni livres d’amour, contre l’ordinaire des lectures consacrées à votre sexe. Qu’appendrions-nous de l’amour dans ces livres ? Ah ! Julie, notre cœur nous en dit plus qu’eux, & le langage imité des livres est bien froid pour quiconque est passionné lui-même ! D’ailleurs ces études énervent l’âme, la jettent dans la