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le Val-de-Travers, où, avant même que la Classe eût fait aucun mouvement apparent, on avoit commencé d’ameuter le peuple par des pratiques souterraines. Je devois, j’ose le dire, être aimé du peuple dans ce pays-là, comme je l’ai été dans tous ceux où j’ai vécu, versant les aumônes à pleines mains, ne laissant sans assistance aucun indigent autour de moi, ne refusant à personne aucun service que je pusse rendre & qui fût dans la justice, me familiarisant trop peut-être avec tout le monde, & me dérobant de tout mon pouvoir à toute distinction qui pût exciter la jalousie. Tout cela n’empêcha pas que la populace, soulevée secrètement je ne sais par qui, ne s’animât contre moi par degrés jusqu’à la fureur, qu’elle ne m’insultât publiquement en plein jour, non-seulement dans la campagne & dans les chemins, mais en pleine rue. Ceux à qui j’avois fait le plus de bien étoient les plus acharnés, & des gens même à qui je continuois d’en faire, n’osant se montrer, excitoient les autres, & sembloient vouloir se venger ainsi de l’humiliation de m’être obligés. Montmollin paroissoit ne rien voir, & ne se montroit pas encore. Mais comme on approchoit d’un temps de communion, il vint chez moi pour me conseiller de m’abstenir de m’y présenter, m’assurant que du reste il ne m’en vouloit point, & qu’il me laisseroit tranquille. Je trouvai le compliment bizarre ; il me rappeloit la lettre de Mde. de B.......s, & je ne pouvois concevoir à qui donc il importoit si fort que je communiasse ou non. Comme je regardois cette condescendance de ma part comme un acte de lâcheté, & que d’ailleurs je ne voulois pas donner au peuple ce nouveau