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ni moins vifs à tous égards. Il me parla de sa famille, de ses affaires, de ses aventures, de la Cour de Vienne dont il paroissoit bien connoître les détails domestiques. Enfin pendant près de deux ans que nous passâmes dans la plus grande intimité, je ne lui trouvai qu’une douceur de caractère à toute épreuve, des mœurs non-seulement honnêtes mais élégantes, une grande propreté sur sa personne, une décence extrême dans tous ses discours, enfin toutes les marques d’un homme bien né, qui me le rendirent trop estimable pour ne pas me le rendre cher.

Dans le fort de mes liaisons avec lui, d’I

[vernoi] s de Genève m’écrivit que je prisse garde au jeune Hongrois qui étoit venu s’établir auprès de moi ; qu’on l’avoit assuré que c’étoit un espion, que le ministère de France avoit auprès de moi. Cet avis pouvoit paroître d’autant plus inquiétant que, dans le pays où j’étois tout le monde m’avertissoit de me tenir sur mes gardes, qu’on me guettoit, & qu’on cherchoit à m’attirer sur le territoire de France pour m’y faire un mauvais parti.

Pour fermer la bouche une fois pour toutes à ces ineptes donneurs d’avis, je proposai à Sauttern, sans le prévenir de rien, une promenade pédestre à Pontarlier ; il y consentit. Quand nous fûmes arrivés à Pontarlier, je lui donnai à lire la lettre de d’I

[vernoi] s, & puis l’embrassant avec ardeur, je lui dis : Sauttern n’a pas besoin que je lui prouve ma confiance, mais le public a besoin que je lui prouve que je la sais bien placer. Cet embrassement fut bien doux ; ce fut un de