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LETTRE À Mr. D. P.......u.

À Bourgoin le 19 Décembre 1768.

Ce que vous me marquez de la fin de vos brouilleries avec la cour, me fait grand plaisir ; & j’en augure que vous pourrez encore vivre agréablement où vous êtes, & où êtes, & où vous êtes retenu par des liens d’attachement qu’il n’est pas dans votre cœur de rompre aisément. Il me semble que le Roi se conduit réellement en très-grand Roi, lorsqu’il veut premièrement être le maître, & puis être juste. Vous penserez qu’il seroit plus grand & plus beau de vouloir transposer cet ordre ; cela peut être ; mais cela est au-dessus de l’humanité ; & c’est bien assez, pour honorer le génie & l’ame du plus grand Prince, que le premier article ne lui fasse pas négliger l’autre ; si Fréderic ratifie le rétablissement de tous vos priviléges, comme je l’espère, il aura mérité de vous le plus bel éloge que puisse mériter un souverain, & qui l’approche de Dieu même, celui qu’Armide faisoit de Godefroi de Bouillon :

Tu, cui concesse il cielo e diel’ti il fato, Voler il giusto, e poter ciò che vuoi.

Je m’imagine que si les députés, qu’en pareil cas, vous lui enverrez probablement pour le remercier, lui récitoient ces deux vers pour toute harangue, ils ne seroient pas mal reçus.