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LETTRE À Mr. D’IVERNOIS.

À Wootton le 28 Juin 1766.

Je vois, Monsieur, par votre lettre du 9, qu’à cette date, vous n’aviez pas reçu ma précédente, quoiqu’elle dût vous être arrivée, & que je vous l’eusse adressée par vos correspondans ordinaires, comme je fais celle-ci. L’état critique de vos affaires me navre l’ame ; mais ma situation me force à me borner pour vous à des soupirs & des vœux inutiles. Je n’aurai pas même la témérité de risquer des conseils sur votre conduite, dont le mauvais succès me seroit gémir toute ma vie, si les choses venoient à mal tourner ; & je ne vois pas assez clair dans les secrétes intrigues qui décideront de votre sort, pour juger des moyens les plus propres à vous servir. Le vis intérêt même que je prends à vous, vous nuiroit si je le laissois paroître, & je suis si infortuné que mon malheur s’étend à tout ce qui m’intéresse. J’ai fait ce que j’ai pu, Monsieur ; j’ai mal réussi, je réussirois plus mal encore, & puisque je vous suis inutile, n’ayez. pas la cruauté de m’affliger sans cesse dans cette retraite, & par humanité, respectez le repos dont j’ai si grand besoin.

Je sens que je n’en puis avoir tant que je conserverai des relations avec le continent. Je n’en reçois pas une lettre qui ne contienne des choses affligeantes, & d’autres raisons, trop longues à déduire, me forcent à rompre toute correspondance