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LETTRE À Mr. DU PEYROU.

À Motiers le 31 Janvier 1765.

Voici, Monsieur, deux exemplaires de la pièce que vous avec déjà vue, & que j’ai fait imprimer à Paris. C’étoit la meilleure réponse qu’il me convenoit d’y faire.

Voici aussi la procuration sur votre dernier modèle, je doute qu’elle puisse avoir son usage. Pourvu que ce ne soit ni votre faute ni la mienne, il importe peu que l’affaire se rompe ; naturellement je dois m’y attendre, & je m’y attends.

Voici enfin la lettre de M. de Buffon, de laquelle je suis extrêmement touché. Je veux lui écrire ; mais la crise horrible où je suis ne me le permettra pas sitôt. Je vous avoue cependant que je n’entends pas bien le conseil qu’il me donne, de ne pas me mettre à dos M. de Voltaire ; c’est comme si l’on conseilloit à un passant attaqué dans un grand chemin, de ne pas se mettre à dos le brigand qui l’assassine. Qu’ai-je fait pour m’attirer les persécutions de M. de Voltaire, & qu’ai-je à craindre de pire de sa part ? M. de Buffon veut-il que je fléchisse ce tigre altéré de mon sang ? Il fait bien que rien n’appaise, ni ne fléchit jamais la fureur des tigres. Si je rampois devant Voltaire, il en triompheroit sans doute, mais il ne m’en égorgeroit pas moins. Des bassesses me déshonoreroient, & ne me sauveroient pas. Monsieur,