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LETTRE À Mr. DE GAUFFECOURT.

À Motiers-Travers le 12 Janvier 1765.

Je suis bien aise, mon cher Papa, que vous puissiez envisager dans la sérénité de votre paisible apathie, les agitations & les traverses de ma vie, & que vous ne laissiez pas de prendre aux soupirs qu’elles m’arrachent, un intérêt digne de notre ancienne amitié.

Je voudrois encore plus que vous, que le moi parut moins dans les lettres écrites de la montagne ; mais sans le moi ces lettres n’auroient point existé. Quand on fit expirer le malheureux Calas sur la roue, il lui étoit difficile d’oublier qu’il étoit là.

Vous doutez qu’on permette une réponse. Vous vous trompez, ils répondront par des libelles diffamatoires. C’est ce que j’attend pour achever de les écraser. Que je suis heureux qu’on ne se soit pas avisé de me prendre par des caresses ! J’étois perdu ; je sens que je n’aurois jamais résisté. Grâce au ciel on ne m’a pas gâté de ce côté - là, & je me sens inébranlable par celui qu’on a choisi. Ces gens - là seront tant qu’ils me rendront grand & illustre ; au lieu que naturellement je ne devois être qu’un petit garçon. Tout ceci n’est pas fini : vous verrez la suite, & vous rendrez, je l’espère, que les outrages & les libelles n’auront pas avili votre ami. Mes salutations, je vous prie, à M. de Quinsonas : les