LETTRE À Mr. M.....u.
À Motiers le 21 Mars 1763.
Voila, cher M.....u, puisque vous le voulez, un exemplaire de ma lettre à M. de Beaumont. J’en ai remis deux autres au messager depuis plusieurs jours, mais il diffère son départ d’un jour à l’autre, & ne partira, je crois, que mercredi. J’aurai soin de vous en faire parvenir davantage. En attendant, ne mettez ces deux-là qu’en des mains sûres, jusqu’à ce que l’ouvrage paroisse, de peur de contrefaction.
J’ai attendu pour juger les Genevois que je fusse de sang froid. Ils sont jugés. J’aurois déjà fait là démarche dont vous me parlez, si Milord Maréchal ne m’avoit engagé à différer, & je vois que vous pensez comme lui. J’attendrai donc pour la faire de voir l’effet de la lettre que je vous envoie : mais quand cet effet les ramèneroit à leur devoir, j’en serois, je vous jure, très-médiocrement flatté. Il sont si sots & si rogues, que le bien même ne m’intéresseroit désormais de leur part guères plus que le mal. On ne tient plus guère aux gens qu’on méprise.
M. de Voltaire vous a paru m’aimer, parce qu’il sait que vous m’aimez ; soyez persuadé qu’avec les gens de son parti il tient un autre langage. Cet habile comédien, dolis instructus et arte pelasgâ, sait changer de ton selon les gens à qui il a à faire. Quoiqu’il en soit, si jamais il arrive qu’il revienne