LETTRE À Mr. M.....u.
Ce 13 Novembre 1762.
Vous ne saurez jamais ce que votre silence m’a fait souffrir ; mais votre lettre m’a rendu la vie, & l’assurance que vous me donnez, me tranquillise pour le reste de mes jours. Ainsi écrivez désormais à votre aise ; votre silence ne m’alarmera plus. Mais, cher ami, pardonnez les inquiétudes d’un pauvre solitaire qui ne fait rien de ce qui se passe, dont tant de cruels souvenirs attristent l’imagination, qui ne connoît dans la vie d’autre bonheur que l’amitié, & qui n’aima jamais personne autant que vous. Felix se nescit amari, dit le poëte ; mais moi je dis, felix nescit amare. Des deux côtés, les circonstances qui ont serré notre attachement l’ont mis à l’épreuve, & lui ont donné la solidité d’une amitié de vingt ans.
Je ne dirai pas un mot à M. de Montmollin pour la communication de la lettre dont vous me parlez. Il fera ce qu’il jugera convenable pour son avantage ; pour moi, je ne veux pas faire un pas, ni dire un mot de plus dans toute cette affaire, & je laisserai vos gens se démener comme ils voudront sans m’en mêler, ni répondre à leurs chicanes. Ils prétendent me traiter comme un enfant, à qui l’on commence par donner le fouet, & puis on lui fait demander pardon. Ce n’est pas tout-à- fait mon avis. Ce n’est pas moi qui veux donner des