Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

eux qui en accrochoient l’édition ; qu’instruits par Guérin, leur ami, de mon état présent, & prévoyant ma mort prochaine, dont je ne doutois pas, ils vouloient retarder l’impression jusqu’alors, dans le dessein de tronquer, d’altérer mon ouvrage, & de me prêter, pour remplir leurs vues, des sentimens différens des miens. Il est étonnant quelle foule de faits & de circonstances vint dans mon esprit se calquer sur cette folie, & lui donner un air de vraisemblance, que dis-je ? m’y montrer l’évidence & la démonstration. Guérin étoit totalement livré aux Jésuites, je le savois. Je leur attribuai toutes les avances d’amitié qu’il m’avoit faites ; je me persuadai que c’étoit par leur impulsion qu’il m’avoit pressé de traiter avec Néaulme, que par ledit Néaulme ils avoient eu les premières feuilles de mon ouvrage, qu’ils avoient ensuite trouvé le moyen d’en arrêter l’impression chez Duchesne, & peut-être de s’emparer de mon manuscrit pour y travailler à leur aise, jusqu’à ce que ma mort les laissât libres de le publier travesti à leur mode. J’avois toujours senti, malgré le patelinage du P. B

[erthie] r, que les Jésuites ne m’aimoient pas, non seulement comme encyclopédiste, mais parce que tous mes principes étoient encore plus opposés à leurs maximes & à leur crédit que l’incrédulité de mes confrères, puisque le fanatisme athée & le fanatisme dévot, se touchant par leur commune intolérance, peuvent même se réunir comme ils ont fait à la Chine, & comme ils font contre moi, au lieu que la religion raisonnable & morale, ôtant tout pouvoir humain sur les consciences, ne laisse plus de ressource aux arbitres de ce pouvoir. Je savois