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anonymes assez singulières, & même des lettres signées qui ne l’étoient guères moins. J’en reçus une d’un conseiller au parlement de Paris, qui, mécontent de la présente constitution des choses, & n’augurant pas bien des suites, me consultoit sur le choix d’un asyle, à Genève ou en Suisse, pour s’y retirer avec sa famille. J’en reçus une de M. de......., président à Mortier au parlement de......, lequel me proposoit de rédiger pour ce parlement qui, pour lors, étoit mal avec la cour, des mémoires & remontrances, offrant de me fournir tous les documens & matériaux dont j’aurois besoin pour cela.

Quand je souffre, je suis sujet à l’humeur. J’en avois en recevant ces lettres, j’en mis dans les réponses que j’y fis, refusant tout à plat ce qu’on me demandoit : ce refus n’est assurément pas ce que je me reproche, puisque ces lettres pouvoient être des piéges de mes ennemis [1], & ce qu’on me demandoit étoit contraire à des principes dont je voulois moins me départir que jamais. Mais pouvant refuser avec aménité, je refusai avec dureté, & voilà en quoi j’eus tort.

On trouvera parmi mes papiers les deux lettres dont je viens de parler. Celle du conseiller ne me surprit pas absolument, parce que je pensois comme lui & comme beaucoup d’autres, que la constitution déclinante menaçoit la France d’un prochain délabrement. Les désastres d’une guerre malheureuse qui, tous, venoient de la faute du gouvernement ; l’incroyable désordre des finances, les tiraillemens continuels

  1. (*) Je savois, par exemple, que le président de....... étoit fort lié avec les Encyclopédistes & les H.........s.