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traversa la cuisine après en avoir cassé la fenêtre, vint ouvrir la porte de ma chambre & tomber au pied de mon lit, de sorte que si je m’étois pressé d’une seconde, j’avois le caillou dans l’estomac. Je jugeai que le bruit avoit été fait pour m’attirer, & le caillou lancé pour m’accueillir à ma sortie. Je saute dans la cuisine. Je trouve Thérèse, qui s’étoit aussi levée, & qui toute tremblante accouroit à moi. Nous nous rangeons contre un mur, hors de la direction de la fenêtre, pour éviter l’atteinte des pierres, & délibérer sur ce que nous avions à faire : car sortir pour appeller du secours étoit le moyen de nous faire assommer. Heureusement la servante d’un vieux bon homme qui logeoit au-dessous de moi se leva au bruit, & courut après M. le châtelain, dont nous étions porte à porte. Il saute de son lit, prend sa robe de chambre à la hâte, & vient à l’instant avec la garde qui, à cause de la foire, faisoit la ronde cette nuit-là, & se trouva à sa portée. Le châtelain vit le dégât avec un tel effroi, qu’il en pâlit ; & à la vue des cailloux dont la galerie étoit pleine, il s’écria : Mon Dieu ! c’est une carrière ! En visitant le bas, on trouva que la porte d’une petite Cour avoit été forcée, & qu’on avoit tenté de pénétrer dans la maison par la galerie. En recherchant pourquoi la garde n’avoit point apperçu ou empêché le désordre, il se trouva que ceux de Motiers s’étoient obstinés à vouloir faire cette garde hors de leur rang, quoique ce fût le tour d’un autre village.

Le lendemain le Châtelain envoya son rapport au Conseil d’Etat, qui deux jours après, lui envoya l’ordre d’informer