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j’en sentois cruellement l’inconvénient ; mais le quitter dans ces circonstances me sembloit une lâcheté. Je ne pus m’y résoudre, & je me promenois tranquillement dans le pays avec mon caffetan & mon bonnet fourré, entouré des huées de la canaille & quelquefois de ses cailloux. Plusieurs fois en passant devant des maisons, j’entendois dire à ceux qui les habitoient : Apportez-moi mon fusil, que je lui tire dessus. Je n’en allois pas plus vite : ils n’en étoient que plus furieux, mais ils s’en tinrent toujours aux menaces, du moins pour l’article des armes à feu.

Durant toute cette fermentation, je ne laissai pas d’avoir deux fort grands plaisirs auxquels je fus bien sensible. Le premier fut de pouvoir faire un acte de reconnoissance par le canal de milord Maréchal. Tous les honnêtes gens de Neuchâtel, indignés des traitemens que j’essuyois, & des manœuvres dont j’étois la victime, avoient les ministres en exécration, sentant bien qu’ils suivoient des impulsions étrangères, & qu’ils n’étoient que les satellites d’autres gens qui se cachoient en les faisant agir, & craignant que mon exemple ne tirât à conséquence pour l’établissement d’une véritable inquisition. Les magistrats & sur-tout M. Meuron qui avoit succédé à M. d’Ivernois, dans la charge de procureur général, faisoient tous leurs efforts pour me défendre. Le colonel de Pury, quoique simple particulier, en fit davantage, & réussit mieux. Ce fut lui qui trouva le moyen de faire bouquer Montmollin dans son consistoire, en retenant les anciens dans leur devoir. Comme il avoit du crédit, il l’employa tant qu’il put pour arrêter la sédition ; mais il n’avoit