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la représentation, il n’eut pas le tems d’en faire une & il fallut laisser la mienne. Elle étoit à l’italienne & d’un style très nouveau pour lors en France. Cependant elle fut goûtée & j’appris par M. de Valmalette, maître-d’hôtel du roi & gendre de M. Mussard mon parent & mon ami, que les amateurs avoient été très contens de mon ouvrage & que le public ne l’avoit pas distingué de celui de Rameau : mais celui-ci, de concert avec Mde. de la Poplinière, prit des mesures pour qu’on ne sût pas même que j’y avois travaillé. Sur les livres qu’on distribue aux spectateurs & où les auteurs sont toujours nommés, il n’y eut de nommé que Voltaire, & Rameau aima mieux que son nom fût supprimé que d’y voir associer le mien.

Sitôt que je fus en état de sortir, je voulus aller chez M. de Richelieu : il n’étoit plus temps. Il venoit de partir pour Dunkerque, où il devoit commander le débarquement destiné pour l’écosse. À son retour, je me dis, pour autoriser ma paresse, qu’il étoit trop tard. Ne l’ayant plus revu depuis lors, j’ai perdu l’honneur que méritoit mon ouvrage, l’honoraire qu’il devoit me produire ; & mon temps, mon travail, mon chagrin, ma maladie & l’argent qu’elle me coûta, tout cela fut à mes frais, sans me rendre un sou de bénéfice, ou plutôt de dédommagement. Il m’a cependant toujours paru que M. de Richelieu avoit naturellement de l’inclination pour moi & pensoit avantageusement de mes talens. Mais mon malheur & Mde. de la Poplinière empêchèrent tout l’effet de sa bonne volonté.

Je ne pouvois rien comprendre à l’aversion de cette femme,