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avec lequel je m’étois intimement lié, à l’exemple de nos ambassadeurs.

Heureux si, lorsque je faisois avec le plus parfait désintéressement tout le bien que je pouvois faire, j’avois sçu mettre assez d’ordre & d’attention dans tous ces menus détails pour n’en pas être la dupe & servir les autres à mes dépens ! mais dans les places comme celles que j’occupais, où les moindres fautes ne sont pas sans conséquence, j’épuisois toute mon attention pour n’en point faire contre mon service. Je fus jusqu’à la fin du plus grand ordre & de la plus grande exactitude en tout ce qui regardoit mon devoir essentiel. Hors quelques erreurs qu’une précipitation forcée me fit faire en chiffrant & dont les commis de M. Amelot se plaignirent une fois, ni l’Ambassadeur ni personne n’eut jamais à me reprocher une seule négligence dans aucune de mes fonctions ; ce qui est à noter pour un homme aussi négligent & aussi étourdi que moi : mais je manquois parfois de mémoire & de soin dans les affaires particulières dont je me chargeais ; & l’amour de la justice m’en a toujours foit supporter le préjudice de mon propre mouvement, avant que personne songeât à se plaindre. Je n’en citerai qu’un seul trait, qui se rapporte à mon départ de Venise, & dont j’ai senti le contre-coup dans la suite à Paris.

Notre cuisinier appelé Rousselot avoit apporté de France un ancien billet de deux cens francs qu’un perruquier de ses amis avoit d’un noble Vénitien appelé Z

[anett] o N

[an] i, pour fourniture de perruques. Rousselot m’apporta ce bill & en me priant de tâcher d’en tirer quelque chose par accommodement.