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& sa sœur Camille : rien cependant n’est plus vrai. Véronèse, leur père, s’étoit engagé avec ses enfans pour la troupe italienne ; & après avoir reçu deux mille francs pour son voyage, au lieu de partir, il s’étoit tranquillement mis à Venise au théâtre de St. Luc,*

[*Je suis en doute si ce n’étoit point St. Samuel. Les noms propres m’échappent absolument.] où Coralline, tout enfant qu’elle étoit encore, attiroit beaucoup de monde. M. le duc de Gesvres, comme premier gentilhomme de la chambre, écrivit à l’Ambassadeur pour réclamer le père & la fille. M. de M

[ontaigu] , me donnant la lettre, me dit pour toute instruction : Voyez cela. J’allai chez M. le Blond le prier de parler au patricien à qui appartenoit le théâtre de St. Luc & qui étoit, je crois, un Zustiniani, afin qu’il renvoyât Véronèse, qui étoit engagé au service du roi. Le Blond, qui ne se soucioit pas trop de la commission, la fit mal.

Zustiniani battit la campagne, & Véronèse ne fut point renvoyé. J’étois piqué. L’on étoit en carnaval. Ayant pris la bahute & le masque, je me fis mener au palois Zustiniani. Tous ceux qui virent entrer ma gondole avec la livrée de l’ambassadeur furent frappés : Venise n’avoit jamais vu pareille chose. J’entre, je me fois annoncer sous le nom d’una siora Maschera. Sitôt que je fus introduit, j’ôte mon masque & je me nomme. Le sénateur pâlit & reste stupéfait. Monsieur, lui dis-je en vénitien, c’est à regret que j’importune V. E. de ma visite ; mais vous avez à votre théâtre de St. Luc un homme, nommé Véronèse, qui est engagé au service du Roi & qu’on vous a foit demander inutilement : je viens le