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par cela seul légitime, je n’avois plus d’objection à faire contre celle de cet ouvrage. Cependant, par un scrupule extraordinaire, j’exigeai toujours que l’ouvrage s’imprimeroit en Hollande, & même par le libraire Néaulme, que je ne me contentai pas d’indiquer, mais que j’en prévins, consentant au reste que l’édition se fît au profit d’un libraire François, & que, quand elle seroit faite, on la débitât, soit à Paris, soit où l’on voudroit, attendu que ce débit ne me regardoit pas. Voilà exactement ce qui fut convenu entre Mde. de Luxembourg & moi, après quoi je lui remis mon manuscrit.

Elle avoit amené à ce voyage sa petite-fille, mademoiselle de Boufflers, aujourd’hui Mde. la duchesse de Lauzun. Elle s’appeloit Amélie. C’étoit une charmante personne. Elle avoit vraiment une figure, une douceur, une timidité virginale. Rien de plus aimable & de plus intéressant que sa figure, rien de plus tendre & de plus chaste que les sentimens qu’elle inspiroit. D’ailleurs, c’étoit une enfant ; elle n’avoit pas onze ans. Mde. la maréchale, qui la trouvoit trop timide, faisoit ses efforts pour l’animer. Elle me permit plusieurs fois de lui donner un baiser, ce que je fis avec ma maussaderie ordinaire. Au lieu des gentillesses qu’un autre eût dites à ma place, je restois là muet, interdit, & je ne sais lequel étoit le plus honteux de la pauvre petite ou de moi. Un jour je la rencontrai seule dans l’escalier du petit château : elle venoit de voir Thérèse, avec laquelle sa gouvernante étoit encore. Faute de savoir quoi lui dire, je lui proposai un baiser, que, dans l’innocence de son cœur, elle