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rendre visite. Je partis pour cela dès le lendemain. Je fus rencontré par des gens qui me venoient voir moi-même, & avec lesquels il fallut retourner. Deux jours après, je pars encore ; il avoit dîné à Paris avec toute sa famille. Une troisième fois il étoit chez lui ; j’entendis des voix de femmes, je vis à la porte un carrosse qui me fit peur. Je voulois du moins, pour la premiere fois, le voir à mon aise, & causer avec lui de nos anciennes liaisons. Enfin, je remis si bien ma visite de jour à autre, que la honte de remplir si tard un pareil devoir, fit que je ne le remplis point du tout : après avoir osé tant attendre, je n’osai plus me montrer. Cette négligence, dont M. le Blond ne put qu’être justement indigné, donna, vis-à-vis de lui, l’air de l’ingratitude à ma paresse, & cependant, je sentois mon cœur si peu coupable, que si j’avois pu faire à M, le Blond quelque vrai plaisir, même à son insu, je suis bien sûr qu’il ne m’eût pas trouvé paresseux. Mais l’indolence, la négligence & les délais dans les petits devoirs à remplir, m’ont fait plus de tort que de grands vices. Mes pires fautes ont été d’omission : j’ai rarement fait ce qu’il ne falloit pas faire, & malheureusement j’ai plus rarement encore fait ce qu’il falloit.

Puisque me voilà revenu à mes connoissances de Venise, je n’en dois pas oublier une qui s’y rapporte, & que je n’avois interrompue, ainsi que les autres, que depuis beaucoup moins de temps. C’est celle de M. de J

[onvill] e, qui avoit continué, depuis son retour de Gênes, à me faire beaucoup d’amitiés. Il aimoit fort à me voir & à causer