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Bonnefond me procura Quillau le père, qui fit avec moi un traité à moitié profit, sans compter le privilège que je payai seul. Tant fut opéré par le dit Quillau, que j’en fus pour mon privilège & n’ai jamais tiré un liard de cette édition, qui vraisemblablement eut un débit médiocre, quoique l’abbé Des Fontaines m’eût promis de la faire aller & que les autres journalistes en eussent dit assez de bien.

Le plus grand obstacle à l’essai de mon système étoit la crainte que, s’il n’étoit pas admis, on ne perdît le tems qu’on mettroit à l’apprendre. Je disois à cela que la pratique de ma note rendoit les idées si claires, que pour apprendre la musique par les caractères ordinaires on gagneroit encore du tems à commencer par les miens. Pour en donner la preuve par l’expérience, j’enseignai gratuitement la musique à une jeune Américaine, appelée Mlle. Des Roulins, dont M. Roguin m’avoit procuré la connoissance. En trois mais elle fut en état de déchiffrer sur ma note quelque musique que ce fût & même de chanter à livre ouvert mieux que moi-même toute celle qui n’étoit pas chargée de difficultés. Ce succès fut frappant, mais ignoré. Un autre en auroit rempli les journaux ; mais avec quelque talent pour trouver des choses utiles je n’en eus jamais pour les faire valoir.

Voilà comment ma fontaine de Héron fut encore cassée : mais cette seconde fois j’avois trente ans & je me trouvois sur le pavé de Paris, où l’on ne vit pas pour rien. Le parti que je pris dans cette extrémité n’étonnera que ceux qui n’auront pas bien lu la premiere partie de ces Mémoires. Je venois de me donner des mouvemens aussi grands qu’inutiles ;